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— Pourquoi riez-vous ? lui dis-je.

— Parce que je suis une méchante femme, me répondit-elle.

Et elle prit son vol, me laissant seul et consterné sur ma pierre.

Paris, 8 décembre 1859.

Mes malles encore pleines encombraient la salle à manger. J’étais assis devant une table chargée de ces bonnes choses que le pays de France produit pour les gourmets. Je mangeais d’un pâté de Chartres, qui seul ferait aimer la patrie. Thérèse, debout devant moi, les mains jointes sur son tablier blanc, me regardait avec bienveillance, inquiétude et pitié. Hamilcar se frottait contre mes jambes en bavant de joie.

Ce vers d’un vieux poète me revint à la mémoire :

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage.

… Eh bien, pensai-je, je me suis promené en vain, je rentre les mains vides ; mais j’ai fait, comme Ulysse, un beau voyage.

Et, ayant avalé ma dernière gorgée de café, je