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toutes pareilles dans sa poche. Nous les avons prises pour pouvoir faire des échanges avec les collectionneurs. Vous comprenez ? À neuf heures du matin nous étions à la fabrique. Vous voyez que nous n’avons pas perdu notre temps.

— Je le vois certes bien, madame, répondis-je d’un ton amer ; mais j’ai perdu le mien.

Je reconnus alors que c’était une assez bonne femme. Elle perdit toute sa joie.

— Pauvre monsieur Bonnard ! pauvre monsieur Bonnard ! murmura-t-elle.

Et, me prenant la main, elle ajouta.

— Contez-moi vos peines.

Je les lui contai. Mon récit fut long ; mais elle en fut touchée, car elle me fit ensuite une quantité de questions minutieuses que je pris comme autant de témoignages d’intérêt. Elle voulut savoir le titre exact du manuscrit, son format, son aspect, son âge ; elle me demanda l’adresse de M. Rafaël Polizzi.

Et je la lui donnai, faisant de la sorte (ô destin !) ce que l’abominable Polizzi m’avait recommandé.

Il est parfois difficile de s’arrêter. Je recommençai mes plaintes et mes imprécations. Cette fois madame Trépof se mit à rire.