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naître à vos amis et vous m’obligerez. Faïences, émaux, étoffes, tableaux, il possède un assortiment complet d’objets d’art, le tout au plus juste prix et d’une authenticité que je vous garantis sur mon honneur. Allez le voir : il vous montrera le manuscrit de la Légende dorée. Deux miniatures d’une fraîcheur miraculeuse.

Je pris lâchement la carte qu’il me tendait.

Cet homme abusa de ma faiblesse en m’invitant de nouveau à répandre dans les sociétés le nom de Rafaël Polizzi.

J’avais déjà la main sur le bouton de la porte, quand mon Sicilien me saisit le bras. Il avait l’air inspiré :

— Ah ! Excellence, me dit-il, quelle cité que la nôtre ! Elle a donné naissance à Empédocle. Empédocle ! quel grand homme et quel grand citoyen ! Quelle audace de pensée, quelle vertu ! quelle âme ! Il y a là-bas, sur le port, une statue d’Empédocle devant laquelle je me découvre chaque fois que je passe. Quand Rafaël, mon fils, fut sur le point de partir pour fonder un établissement d’antiquités dans la rue Laffitte, à Paris, je l’ai conduit sur le port de notre ville, et c’est au pied de la statue d’Empédocle que je lui ai