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— Les arts ! les arts ! s’écria M. Polizzi, en levant de nouveau les bras vers le ciel ; les arts ! quelle dignité ! quelle consolation ! Je suis peintre, Excellence !

Et il me montra un saint François qui était inachevé et qui eût pu le rester sans dommage pour l’art et pour le culte. Il me fit voir ensuite quelques vieux tableaux d’un meilleur style, mais qui me semblèrent restaurés avec indiscrétion.

— Je répare, me dit-il, les tableaux anciens. Oh ! les vieux maîtres ! quelle âme ! quel génie !

— Il est donc vrai ? lui dis-je, vous êtes à la fois peintre, antiquaire et négociant en vins.

Pour servir Votre Excellence, me répondit-il. J’ai en ce moment un zucco dont chaque goutte est une perle de feu. Je veux le faire goûter à Votre Seigneurie.

— J’estime les vins de Sicile, répondis-je, mais ce n’est pas pour des flacons que je viens vous voir, monsieur Polizzi.

Lui :

— C’est donc pour des peintures. Vous êtes amateur. C’est pour moi une immense joie de recevoir des amateurs de peintures. Je vais vous