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du monde pour recueillir des boîtes d’allumettes dont ils faisaient collection.

Nous longeâmes un vicoletto étroit et tortueux, qu’éclairait seulement une lampe allumée devant la niche d’une madone. La transparence et la pureté de l’air donnaient à l’ombre même une légèreté céleste, et l’on se conduisait sans peine à la faveur de cette nuit limpide. Mais nous enfilâmes une venelle, ou pour parler napolitain, un sottoportico qui cheminait sous des arches si nombreuses et sous des balcons d’une telle saillie qu’aucune lueur du ciel n’y descendait. Ma jeune guide nous avait fait prendre ce chemin pour abréger, disait-elle, mais aussi, à ce que je crois, pour montrer qu’elle avait le pied napolitain, et connaissait la ville. Il fallait en effet connaître la ville pour se hasarder de nuit dans ce dédale de voies souterraines et d’escaliers. Si jamais homme se laissa guider docilement, c’est bien moi. Dante ne suivait point les pas de Béatrice avec plus de confiance que je ne suivais ceux de la princesse Trépof.

Cette dame prenait quelque plaisir à ma conversation, car elle m’offrit une place dans sa voiture pour visiter le lendemain la grotte de Pausilippe