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tête pour voir qui a parlé, mais je suis sûr que c’est une jolie femme. Pourquoi ? Parce qu’elle parle comme une personne capricieuse et comme une enfant gâtée. Les laides seraient capricieuses tout autant que les jolies ; mais, comme on ne les gâte pas, comme on ne leur passe rien, il faut qu’elles perdent leurs caprices ou qu’elles les cachent. Au contraire, les jolies sont fantasques tout à leur aise. Ma voisine est de celles-là. Toutefois en y songeant, elle a exprimé en somme, à mon égard, une pensée bienveillante qui mérite ma reconnaissance.

Mes réflexions, avec cette dernière qui les couronna, se succédèrent dans mon esprit en moins d’une seconde, et, si j’ai mis toute une minute à les dire, c’est que je suis un mauvais écrivain, qualité commune à tous les philologues. Il n’y avait donc pas une seconde que la voix s’était tue quand, me retournant, je vis une jolie femme petite, brune et très vive.

— Madame, lui dis-je en m’inclinant, excusez mon indiscrétion involontaire. J’ai entendu malgré moi ce que vous venez de dire. Vous vouliez rendre service à un pauvre vieillard. Cela est fait, madame : seul le son d’une voix fran-