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— Mon cher enfant, excusez-moi de ne vous avoir pas reçu tout de suite. J’achevais un travail.

Je dis vrai : la méditation est un travail, mais Gélis ne l’entend pas ainsi ; il croit qu’il s’agit d’archéologie et, rassuré sur la santé de mademoiselle Jeanne par un « fort bien » très sec dans lequel se révèle mon autorité morale de tuteur, nous voilà causant tous deux des sciences historiques. Nous entrons dans les généralités. Les généralités sont d’une grande ressource. J’essaie d’inculquer à Gélis un peu de respect pour la génération d’historiens à laquelle j’appartiens. Je lui dis :

— L’histoire qui était un art et qui comportait toutes les fantaisies de l’imagination, est devenue de notre temps une science à laquelle il faut procéder avec une rigoureuse méthode.

Gélis me demande la permission de n’être pas de mon avis. Il me déclare qu’il ne croit pas que l’histoire soit ni devienne jamais une science.

— Et d’abord, me dit-il, qu’est-ce que l’histoire ? La représentation écrite des événements