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Ayant ainsi poussé Jeanne, avec ce viatique, dans son chemin de bonne ménagère, je me mis à lire une revue qui, bien que menée par des jeunes gens, est excellente. Le ton en est rude, mais l’esprit zélé. L’article que je lus passe en précision et en fermeté tout ce qu’on faisait dans ma jeunesse. L’auteur de cet article, M. Paul Méyer, marque chaque faute d’un coup d’ongle incisif et net.

Nous n’avions pas, nous autres, cette impitoyable justice. Notre indulgence était vaste. Elle allait à confondre le savant et l’ignorant dans la même louange. Pourtant il faut savoir blâmer et c’est là un devoir rigoureux. Je me rappelle le petit Raymond (c’est ainsi qu’on l’appelait). Il ne savait rien et son esprit ne comportait aucun savoir, mais il aimait beaucoup sa mère. Nous nous gardâmes de dénoncer l’ignorance d’un si bon fils, et le petit Raymond, grâce à notre complaisance, arriva à tout. Il n’avait plus sa mère mais tous les honneurs pleuvaient sur lui. Il était tout puissant au grand préjudice de ses collègues et de la science. Mais voici venir mon jeune ami du Luxembourg.

— Bonsoir, Gélis. Vous avez aujourd’hui la