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Pendant que nous parlions ainsi, madame de Gabry prenait des arrangements pour coucher sa pensionnaire. Quand elle me donna le bonsoir, elle portait sur son bras des draps parfumés de lavande.

— Voilà, dis-je, une honnête et douce odeur.

— Que voulez-vous, me répondit madame de Gabry ? Nous sommes des paysans.

— Ah ! lui répondis-je, puissé-je devenir aussi un paysan ! puissé-je, un jour, comme vous à Lusance, respirer d’agrestes senteurs, sous un toit perdu dans le feuillage, et, si ce vœu est trop ambitieux pour un vieillard dont la vie s’achève, je désire du moins que mon linceul soit parfumé de lavande, comme ce linge que vous tenez dans vos bras.

Nous convînmes que je viendrais déjeuner le lendemain. Mais on me défendit expressément de me présenter avant midi. Jeanne, en m’embrassant, me supplia de ne pas la ramener à la pension. Nous nous quittâmes attendris et troublés.


Je trouvai sur mon palier Thérèse en proie à une inquiétude qui la rendait furieuse. Elle ne