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qui règle la compensation du rapt, si je ne vous en parle pas, c’est parce qu’il est assurément présent à votre mémoire. Vous voyez donc bien, mon cher M. de Gabry, que le rapt fut considéré comme un crime très punissable sous les trois dynasties de la vieille France. C’est bien à tort qu’on croit que le moyen âge était un temps de chaos. Figurez-vous, au contraire.

M. de Gabry m’interrompit :

— Vous connaissez, s’écria-t-il, l’ordonnance de Blois, Baluze, Childebert et les Capitulaires, et vous ne connaissez pas le code Napoléon !

Je lui répondis qu’en effet je n’avais jamais lu ce code, et il parut surpris.

— Comprenez-vous maintenant, ajouta-t-il, la gravité de l’action que vous avez commise ?

En vérité je ne la comprenais pas encore. Mais peu à peu, par l’effet des représentations très sensées de M. Paul, j’arrivai à sentir que je serais jugé, non sur mes intentions qui sont innocentes, mais sur mon action qui est condamnable. Alors je me désespérai et me lamentai.

— Que faire ? m’écriai-je, que faire ? Suis-je donc perdu sans ressource et ai-je donc perdu avec moi la pauvre enfant que je voulais sauver ?