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comme on pense, bien surprise de cette apparition. Mais elle accueillit le vieillard et l’enfant avec cette bonté qui s’exprimait en elle par de si beaux gestes. Il semble (pour prendre le langage de la dévotion qui lui était familier), il semble qu’une grâce coule de ses mains à chaque fois qu’elles s’ouvrent et il n’est pas jusqu’au parfum dont elle est imprégnée qui ne donne la douce et paisible ivresse de la charité et des bonnes œuvres. Surprise, elle l’était certainement, mais elle ne nous interrogea pas et ce silence me parut admirable.

— Madame, lui dis-je, nous venons nous mettre tous deux sous votre protection. Et avant tout, nous venons vous demander à souper. Jeanne du moins, car elle vient de s’évanouir de faiblesse en voiture. Pour moi, je ne pourrais me mettre un morceau sous la dent, à cette heure tardive, sans me préparer une nuit d’agonie. J’espère que M. de Gabry se porte bien.

— Il est ici, me dit-elle.

Et aussitôt elle l’appela :

— Venez, Paul ! venez voir M. Bonnard et mademoiselle Alexandre.

Il vint. J’eus plaisir à voir sa face ouverte et