Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je vous félicite, monsieur, me dit-il.

J’ai quelquefois eu peur dans ma vie, mais je n’avais jamais éprouvé un effroi d’une nature aussi nauséabonde. Je ressentais une terreur écœurante.

Je dégageai mes deux mains et, m’étant levé pour donner toute la gravité possible à mes paroles :

— Madame, dis-je, je me serai mal expliqué chez moi ou je vous aurai mal comprise ici. Dans les deux cas, une déclaration nette est nécessaire. Permettez-moi, madame, de la faire tout uniment. Non, je ne vous ai pas comprise ; j’ignore absolument quel peut être le parti que vous avez en vue pour moi, si toutefois vous en avez un. Dans tous les cas, je ne veux pas me marier. Ce serait à mon âge une impardonnable folie et je ne puis pas encore, à l’heure qu’il est, me figurer qu’une personne de sens, comme vous, ait pu me donner le conseil de me marier. J’ai même tout lieu de croire que je me trompe, et que vous ne m’avez rien dit de semblable. Dans ce cas vous excuserez un vieillard déshabitué du monde, peu fait au langage des dames et désolé de son erreur.

Maître Mouche retourna tout doucement à sa