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bien le cerveau qu’elle semblait prise d’une forte envie d’éternuer. Il fallait cependant que l’histoire du prince Grenouille fût extrêmement joyeuse, car Jeanne, sur son tapis, retenait à grand peine une forte envie de rire. Mais quand elle en eût fini avec le prince et la princesse du conte et les nombreux enfants qu’ils ne manquèrent pas d’avoir, elle prit un visage suppliant et me demanda la faveur de mettre un tablier blanc et d’aller à la cuisine s’occuper du dîner.

— Jeanne, répondis-je avec la gravité d’un maître, je crois que, s’il s’agit de briser les assiettes, d’ébrécher les plats, de bosseler les casseroles et de défoncer les bouillottes, la créature quelconque que Thérèse a placée dans la cuisine suffira à sa tâche, car il me semble entendre en ce moment dans la cuisine des bruits désastreux. Toutefois, je vous prépose, Jeanne, à la confection du dessert. Allez chercher un tablier blanc ; je vous le ceindrai moi-même.

En effet, je lui nouai solennellement le tablier de toile à la taille, et elle s’élança dans la cuisine où elle procéda, comme nous le sûmes plus tard, à des préparations inconnues à Vatel, inconnues même à ce grand Carême qui commença ainsi