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surchargée de travail. À la fois élève et maîtresse, elle se fatigue beaucoup. De plus on la punit avec une puérilité dégoûtante, et c’est une nature généreuse que les humiliations pousseraient à la révolte.

— Hélas ! me répondit maître Mouche, il faut bien la préparer à la vie. On n’est pas sur la terre pour s’amuser et pour faire ses quatre cents volontés.

— On est sur la terre, répondis-je vivement, pour se plaire dans le beau et dans le bien et pour faire ses quatre cents volontés quand elles sont nobles, spirituelles et généreuses. Une éducation qui n’exerce pas les volontés est une éducation qui déprave les âmes. Il faut que l’instituteur enseigne à vouloir.

Je crus voir que maître Mouche m’estimait un pauvre homme. Il reprit avec beaucoup de calme et d’assurance.

— Songez, monsieur, que l’éducation des pauvres doit être faite avec beaucoup de circonspection et en vue de l’état de dépendance qu’ils doivent avoir dans la société. Vous ne savez peut-être pas que feu Noël Alexandre est mort insolvable, et que sa fille est élevée presque par charité.