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famille de robe, possédait dans son château de Lusance une bibliothèque riche en manuscrits dont quelques-uns remontent au xive siècle. C’était pour inventorier et cataloguer ces manuscrits que je venais à Lusance, sur la prière de M. Paul de Gabry, dont le père, galant homme et bibliophile distingué, avait entretenu avec moi, de son vivant, des relations parfaitement courtoises. À vrai dire, le fils n’a point hérité des nobles inclinations du père. M. Paul s’est adonné au sport ; il est fort entendu en chevaux et en chiens, et je crois que de toutes les sciences propres à assouvir ou à tromper l’inépuisable curiosité des hommes, celles de l’écurie et du chenil sont les seules qu’il possède pleinement.

Je ne puis dire que je fus surpris de le rencontrer, puisque j’avais rendez-vous avec lui, mais j’avoue qu’entraîné par le cours naturel de mes pensées, j’avais perdu de vue le château de Lusance et ses hôtes, à ce point que l’appel d’un gentilhomme campagnard, au départ de la route qui déroulait devant moi, comme on dit « un bon ruban de queue », me frappa tout d’abord les oreilles ainsi qu’un bruit insolite.

J’ai lieu de craindre que ma physionomie n’ait