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LA VIE LITTÉRAIRE

cularités d’organisation et d’aptitude. Et cette propriété est mise à profit dans l’élève des chevaux et du bétail. Mais la théorie de l’hérédité, mal dégagée encore de la multiplicité des phénomèmes naturels qui ont pu être observés, est d’un faible secours dans l’ordre plus complexe des phénomèmes sociaux. Les physiologistes, qui veulent suivre l’influence de l’hérédité dans les évolutions de la société humaine, se contentent à ce sujet d’un aperçu très général.

« Ce qui se gagne, dit l’un d’eux, par les œuvres de natures meilleures, plus actives, plus perçantes, finit par se consolider dans les autres à l’aide du travail héréditaire. » Et cela ne signifie pas grand’chose. Mais, un jour, ayant mis la main sur un gros livre où le docteur Lucas traite de ces matières, M. Émile Zola crut que tous les mystères de la conception lui étaient expressément révélés et il s’empressa d’en faire des histoires abondantes. En réalité, sa généalogie des Rougon n’est ni moins fabuleuse, ni plus scientifique que la généalogie d’Huon de Bordeaux ou de Mélusine. C’est du pur roman. Je ne le lui reproche point. Mais de cette idée première, il resta à l’auteur une préoccupation de suivre la vie dans ses sources profondes, qui en fait le plus génital et le plus obstétrical des romanciers, ainsi qu’il apparaît dans Pot-Bouille, dans la Joie de vivre et en divers autres endroits de ses fictions cliniques. Les travaux obscurs de la chair inquiètent beaucoup M. Zola, qui est obscène avec effarement et qui voit le train ordinaire de l’amour sous un aspect apocalyptique. Ce que j’en dis est pour qu’on ne le confonde pas avec les auteurs immoraux.

Ces Rougon-Macquart imposent par la masse.