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LA VIE LITTÉRAIRE.

se confondent en féeries magnifiques ; l’esprit et la matière célèbrent à l’envi l’éternelle résurrection ; les sanctuaires et les bois fleurissent ensemble. L’Église chante : « Dic nobis, Maria… Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu sur le chemin ? — J’ai vu le suaire et les vêtements, les témoins angéliques, et j’ai vu la gloire du Ressuscité. » Et ces paroles charmantes expriment avec la même puissance le retour du printemps et la victoire du Christ. Elles associent dans une image de passion et de gloire l’éternel Adonis et le Dieu des temps nouveaux. Tandis que de la nef montent avec l’encens ces paroles joyeuses : « Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu sur ton chemin ? » les oiseaux qui font leur nid dans le vieux clocher répondent par leur chant : « Marie, Marie, dans ton chemin, tu as vu les premiers rayons du soleil se mêler à la douce pluie, comme le sourire aux larmes, et se transformer en feuilles et en fleurs. La lumière se change aussi en amour quand elle pénètre dans nos cœurs. C’est pourquoi, saisis de l’ardeur de bâtir des nids, nous portons des brins de paille dans notre bec. Oui, la chaleur féconde se métamorphose en désir. Ce qui est une grande preuve de l’unité de composition de l’univers. M. Berthelot, qui est chimiste, commence à soupçonner ces choses, que les vieux alchimistes avaient devinées avant lui. Mais comment, de cette unité, sortit la diversité ? C’est ce qui passe l’intelligence des chimistes comme celle des oiseaux.

» Voilà, voilà ce que Marie a vu sur son chemin. Elle a vu la gloire du Ressuscité, qui meurt ei qui renaît