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LA VIE LITTÉRAIRE.

publique n’est jamais assez dans la main du gouvernement.

Les séances étaient intéressantes. Par malheur, le jeune auditeur ne put y assister longtemps. L’empereur le chargea de dépêches pour l’Espagne. Charles IV (le texte dit Charles II) était alors à Saint-Ildefonse, le Versailles des rois catholiques. M. de Barante fut reçu par ce Godoy à qui Marie-Louise de Parme avait donné, avec son amour, le titre de prince de la Paix et le pouvoir royal. Quand il parlait à la reine « le ton de sa voix n’avait rien de respectueux, remarque M. de Barante, et je m’aperçus qu’il voulait me prouver à quel point il était le maître ».

Peu de temps après, l’armée française étant entrée à Berlin, il eut l’ordre de s’y rendre. Il rencontra M. Daru au sortir du Jardin botanique.

— Je viens de faire un acte de vandalisme, lui dit l’intendant des armées ; j’ai été voir s’il y avait moyen d’arranger en écuries les orangeries et les serres. Savez-vous quelle idée me poursuivait ? Je songeais que les armées de l’Europe pourraient bien aussi envahir la France et entrer à Paris, qu’alors l’intendant militaire, voyant la galerie du Musée, aviserait d’en faire un magnifique hôpital et irait y calculer combien de lits on y installerait.

M. de Barante entendit ces paroles comme l’écho de sa propre pensée. Il ne croyait pas à la durée de l’empire et il le servait comme un maître qui passe.

Nommé en 1807 sous-préfet à Bressuire, il trouva