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LA JEUNESSE DE M. DE BARANTE.

plus fougueux, au plus sombre, au plus ardent, au plus impitoyable des catholiques, c’est ce qui ne saute pas aux yeux, et j’ai beau chercher je ne découvre rien dans la modération de cet homme politique qui rappelle l’inhumanité de l’auteur des Provinciales.

Sage, perspicace, appliqué, tel se montre dès le début Prosper de Barante, qui, sorti de l’École polytechnique, fut nommé auditeur au conseil d’État en 1806, à vingt-trois ans. Tout de suite il sentit qu’il était dans sa voie :

Je me réjouis beaucoup de cette faveur. J’allais avoir une position dans le monde politique, une occupation régulière et l’espoir d’y réussir. Mais ce qui me donna bientôt le plus de satisfaction, ce fut d’être placé de manière à voir et à entendre l’empereur.

Je ne partageais certes pas le fétichisme de son entourage, mais connaître et apprécier un si grand esprit, un si puissant caractère, savoir ce qu’il était et ce qu’il n’était pas absorbait mon attention. Je considérais les séances du conseil comme une sorte de drame, et j’écoutais curieusement les interlocuteurs et surtout l’empereur.

Et il recueille toutes les paroles de l’empereur, qui s’exprime avec verve, vivement, impatiemment, passant de la raillerie à la colère, et jurant quand M. Beugnot n’est point de son avis. Ce n’est pas que Napoléon soit incapable de supporter la contradiction, mais il ne la souffre que de ceux qu’il sait n’être pas trop opiniâtres.

C’est surtout dans la préparation des lois scolaires qu’il parle abondamment. Sa pensée est vaste comme le sujet qu’elle traite. Mais il trouve que l’instruction