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HROTSWITHA AUX MARIONNETTES


J’en ai déjà fait l’aveu : j’aime les marionnettes, et celles de M. Signoret me plaisent singulièrement. Ce sont des artistes qui les taillent; ce sont des poètes qui les montrent. Elles ont une grâce naïve, une gaucherie divine de statues qui consentent à faire les poupées, et l’on est ravi de voir ces petites idoles jouer la comédie. Considérez encore qu’elles furent faites pour ce qu’elles font, que leur nature est conforme à leur destinée, qu’elles sont parfaites sans effort.

J’ai vu, certain soir, sur un grand théâtre, une dame de beaucoup de talent et tout à fait respectable qui, habillée en reine et récitant des vers, voulait se faire passer pour la sœur d’Hélène et des célestes Gémeaux. Mais elle a le nez camard, et j’ai connu tout de suite à ce signe qu’elle n’était pas la fille de Léda. C’est pourquoi elle avait beau dire et beau faire, je ne la croyais pas. Tout mon plaisir était gâté. Avec les marionnettes, on n’a jamais à craindre un semblable malaise. Elles