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LA VIE LITTÉRAIRE


POURQUOI
SOMMES-NOUS TRISTES[1] ?


Pierre Loti nous a donné le journal des dernières semaines qu’il a passées au Japon ; ce sont des pages exquises, infiniment tristes. Qu’il décrive Kioto, la ville sainte, et ses temples habités par des monstres séculaires, qu’il nous montre la belle société d’Yeddo déguisée à l’européenne et dansant nos quadrilles, ou qu’il évoque l’impératrice Harou-Ko dans sa grâce hiératique et bizarre, Loti répand une tristesse vague, subtile et pénétrante qui vous enveloppe comme une brume et dont le goût acre, l’amer parfum, vous restent au cœur. D’où vient qu’il est désolé et qu’il nous désole ? Qu’est-ce qui lui fait sentir ainsi le mal de vivre ? Est-ce la

  1. Pierre Loti : Japoneries d’automne. 1 vol. — Guy de Maupassant : La Main gauche. 1 vol.