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objets relèvent de la science, c’est d’une science mêlée d’art, intuitive, inquiète et toujours inachevée. Cette science, ou plutôt cet art existe : c’est la philosophie, la morale, l’histoire, la critique, enfin tout le beau roman de l’humanité.

Toute œuvre de poésie ou d’art a été de tout temps un sujet de disputes et c’est peut-être un des plus grands attraits des belles choses que de rester ainsi douteuses, car, toutes, on a beau le nier, toutes sont douteuses. M. Brunetière ne veut pas convenir tout à fait de cette universelle et fatale incertitude. Elle répugna trop à son esprit autoritaire et méthodique, qui veut toujours classer et toujours juger. Qu’il juge donc, puisqu’il est judicieux ! Et qu’il pousse ses arguments serrés dans l’ordre effrayant de la tortue, puisqu’enfin il est un critique guerrier !

Mais ne peut-il pardonner à quelque innocent esprit de se mêler des choses de l’art avec moins de rigueur et de suite qu’il n’en a lui-même, et d’y déployer moins de raison, surtout moins de raisonnement ; de garder dans la critique le ton familier de la causerie et le pas