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Je lui répondis que non, mais que je choisirais certainement les lettres.

— Et toi ? lui demandai-je.

À cette question, il assembla des nuages sur son front et répondit que c’était grave, qu’on ne pouvait se décider à la légère.

Et il me laissa troublé, humilié et jaloux de sa sagesse.

Pour comprendre les paroles échangées par Fontanet et moi, il faut savoir qu’en ce temps-là, les élèves de l’Université de France, mis en demeure, au sortir des classes de grammaire, d’opter, sur le seuil de la classe de troisième, pour les lettres ou les sciences, et obligés, à quatorze ou quinze ans, de bifurquer, comme on disait, se décidaient, d’après leurs lumières et celles de leurs parents, pour l’une ou l’autre branche de la fourche pédagogique, sans trop s’émouvoir de l’obligation où on les mettait de choisir entre l’éloquence et l’algèbre, et de ne plus suivre le chœur entier des Muses, que M. Fortoul avait désuni.

Cependant, quelque parti que nous prissions, notre esprit en devait souffrir un grand dommage ; car les sciences, séparées des lettres,