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j’entrai dans l’appartement de la rue Sainte-Anne, que je n’avais vu qu’une fois et qui m’avait laissé un souvenir merveilleux. Dans l’antichambre, Clorinde contait aux visiteurs que monsieur ne se réveillant pas, quand elle lui avait apporté son déjeuner, elle l’appela et le toucha à l’épaule, sans qu’il donnât signe de vie, qu’alors elle courut chercher le médecin qui, s’étant rendu avec elle à la maison, constata le décès, qui remontait à quelques heures.

Elle pleurait abondamment et puait le vin.

Je le vis sur son lit de mort. Son visage, d’un rouge sombre quand il vivait, avait l’air maintenant taillé dans du marbre blanc, il semblait appartenir à un homme robuste et encore dans la force de l’âge. Au-dessus de sa tête, j’aperçus les beaux nus de l’école italienne qu’il avait tant aimés, et cette « Céline », de Gérard, qui a troublé mon adolescence.

Je reportai ma vue sur ce mort d’une beauté terrible. C’était l’homme le plus grand par l’intelligence que j’eusse connu et que je dusse connaître durant ma longue vie, et pourtant j’ai fréquenté des gens qui se sont rendus célèbres par leurs écrits. Mais l’exemple de