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Eugénie. Là, m’arrêtant un moment, je songeai :

« Non, je ne veux pas que cette jeune fille souffre pour moi, tombe malade, meure peut-être. Je retournerai demain chez elle ; j’épierai le moment de la voir seule, j’amènerai, je provoquerai ses aveux, ou plutôt je les devinerai… Je lui dirai : « Je reste ! » Je l’aurai sauvée et je l’en aimerai chèrement. »

Je goûtais par avance les délices du sacrifice, quand, sur le palier de l’entresol, je rencontrai mademoiselle Élise Guerrier, plus étrange encore que je ne l’avais jamais vue dans le froid qui marbrait ses joues. Plutôt déesse immortelle et bête sauvage que femme. Et lointaine et mystérieuse. Je demeurai, comme à mon habitude, stupide devant elle, et ne trouvai pas un mot à lui dire.

— Vous sortez de chez les dames Gobelin !… Comment avez-vous trouvé Philippine ?

— Mais, assez bien…

— Elle ne vous a rien dit, rien laissé voir ?

— Non…

— Elle a tant d’énergie !…

Je balbutiai :

— Oui, elle a…