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frères, il les renie ; il se vante d’une origine supérieure ; mais tout montre sa parenté avec les animaux ; il naît comme eux, il se nourrit comme eux, il se reproduit comme eux, il meurt comme eux. Il est soumis comme eux à la loi du meurtre imposée à tous les habitants de la terre. De son incomparable intelligence il se sert pour se soumettre les bêtes dont il a besoin. Et, bien qu’il possède des étables bien garnies, la chasse est son occupation préférée. Ce fut le plus grand plaisir des rois ; ce l’est encore. Il se livre au carnage avec une ivresse que n’y éprouvent pas les autres animaux. Comme les bêtes féroces, qui ne se mangent pas entre elles, il s’abstient de dévorer la chair des hommes ; mais ce que ne font guère les autres animaux, il tue ses semblables, sinon pour les manger, du moins pour leur prendre quelque bien qu’il convoite, pour les empêcher de jouir de leur propre bien, ou seulement pour le plaisir. C’est ce qu’on appelle la guerre, et les hommes la font avec volupté. Ils ne penseraient pas, sans doute, à commettre ce crime extravagant si la nécessité de tuer des animaux pour vivre ne les y avait préparés. Les destins en ont décidé : depuis les origines