feuilles. À son approche, sur les quais, des milliers d’acclamations n’en formaient qu’une seule immense. Ce spectacle ne s’effacera jamais de mes yeux.
M. Dubois, plus âgé que M. Danquin, avait aussi un souvenir de Napoléon. Il le rapporta aussitôt :
— J’ai vu, j’ai entendu cet homme extraordinaire au déclin de sa fortune, en 1812, le lendemain de la sombre victoire de la Moskowa. Accompagné de plusieurs officiers généraux, il visitait le champ de bataille couvert de morts et de blessés et paraissait encore frappé de la torpeur qui l’avait paralysé la veille, pendant le combat. Blessé légèrement, je cherchais ma cantine égarée quand sa venue me surprit. Dans ce moment même, un colonel de la garde lui dit :
» — Sire, c’est derrière ce ravin qu’il y a le plus d’ennemis.
» À ces mots, le visage de l’Empereur exprima une indignation impossible à soutenir, et il s’écria d’une voix terrible :
» — Que dites-vous, monsieur ? Il n’y a pas d’ennemis sur un champ de bataille : il n’y a que des hommes.