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j’en fasse un savant et un homme de bien. S’il en coûte trop à votre amour paternel de me l’abandonner tout à fait, j’entretiendrai de mes deniers un marmiton pour le remplacer dans votre rôtisserie.

— Puisque votre Seigneurie l’entend ainsi, répondit mon père, je ne l’empêcherai point de faire du bien à mon fils.

— À condition, dit ma mère, que ce ne soit point aux dépens de son âme. Il faut me jurer, monsieur, que vous êtes bon chrétien.

— Barbe, lui dit mon père, vous êtes une sainte et digne femme, mais vous m’obligez à faire des excuses à ce seigneur sur votre impolitesse, qui provient moins, à la vérité, de votre naturel qui est bon que de votre éducation négligée.

— Laissez parler cette bonne femme, dit le philosophe, et qu’elle se tranquillise, je suis un homme très religieux.

— Voilà qui est bon ! dit ma mère. Il faut adorer le saint nom de Dieu.

— J’adore tous ses noms, ma bonne dame, car il en a plusieurs. Il se nomme Adonaï, Tetragrammaton, Jehovah, Otheos, Athanatos et Schyros. Et il a beaucoup d’autres noms encore.

— Je n’en savais rien, dit ma mère. Mais ce