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— Si vous voulez chanter, mon fils, dit M. le curé, chantez plutôt quelque beau noël bourguignon. Vous y réjouirez votre âme en la sanctifiant.

— Volontiers, répondit mon bon maître. Il en est de Guy Barozai, que je tiens, en leur apparente rusticité, pour plus fins que le diamant et plus précieux que l’or. Celui-ci, par exemple :

Lor qu’au lai saison qu’ai jaule
Au monde Jésu-chri vin
L’âne et le beu l’échaufin
De le leu sofle dans l’étaule.
Que d’âne et de beu je sai,
Dans ce royaume de Gaule,
Que d’âne et de beu je sai
Qui n’en arein pas tan fai.

Le chirurgien, sa femme et le curé reprirent ensemble :

Que d’âne et de beu je sai
Dans ce royaume de Gaule
Que d’âne et de beu je sai
Qui n’en arein pas tan fai.

Et mon bon maître reprit d’une voix plus faible :

Mais le pu béo de l’histoire
Ce fut que l’âne et le beu
Ainsin passire tô deu
La nuit sans manger ni boire.