Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui se couvrent de moisissure et qui n’ont échappé au soleil que pour périr à la pluie.

— Hélas ! dit le curé, l’humide et le sec sont les deux ennemis du vigneron.

— Rien n’est plus vrai, dit le barbier, mais je vais explorer la blessure.

Ce disant, il mit de force un doigt dans la plaie.

— Ah ! bourreau ! s’écria le patient.

— Souvenez-vous, dit le curé, que le Seigneur a pardonné à ses bourreaux.

— Ils n’étaient point barbiers, dit l’abbé.

— Voilà un méchant mot, dit le curé.

— Il ne faut pas chicaner un mourant sur ses plaisanteries, dit mon bon maître. Mais je souffre cruellement : cet homme m’a assassiné, et je meurs deux fois. La première fois, c’était de la main d’un juif.

— Que veut-il dire ? demanda le curé.

— Le mieux, monsieur le curé, dit le barbier, est de ne point s’en inquiéter. Il ne faut jamais vouloir entendre les propos des malades. Ce ne sont que rêveries.

— Coquebert, dit le curé, vous ne parlez pas bien. Il faut entendre les malades en confession, et tel chrétien, qui n’avait rien dit de bon dans sa vie, prononce finalement les paroles qui lui ouvrent le paradis.