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mon écot par M. d’Anquetil sans y être réduit par la plus extrême nécessité, je résolus de vendre une bague et un médaillon que je tenais de ma mère, et je parcourus la ville à la recherche d’un orfèvre. J’en découvris un sur la grand’place, vis-à-vis de l’église, qui tenait boutique de chaînes et de croix, à l’enseigne de La bonne Foi. Quel ne fut pas mon étonnement, d’y trouver mon bon maître qui, devant le comptoir, tirant d’un cornet de papier cinq ou six petits diamants, que je reconnus bien pour ceux que M. d’Astarac nous avait montrés, demanda à l’orfèvre le prix qu’il pensait donner de ces pierres !

L’orfèvre les examina, puis observant l’abbé par-dessus ses besicles :

— Monsieur, lui dit-il, ces pierres seraient d’un grand prix si elles étaient véritables. Mais elles sont fausses ; et il n’est pas besoin de la pierre de touche pour s’en assurer. Ce sont des perles de verre, bonnes seulement pour donner à jouer aux enfants, à moins qu’on ne les applique à la couronne d’une Notre-Dame de village, où elles feront un bel effet.

Sur cette réponse, M. Coignard reprit ses diamants et tourna le dos à l’orfèvre. Dans ce mouvement il m’aperçut et sembla assez con-