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intolérable. Mais, du train dont va le monde, je vois qu’il faut s’attendre à tout.

— Mon fils, me dit M. d’Astarac, vous ne donnez point assez de nourriture à l’athanor. Je vois que vous n’êtes pas encore suffisamment pénétré de l’excellence du feu, dont la vertu est capable de mûrir ce mercure et d’en faire le fruit merveilleux qu’il me sera bientôt donné de cueillir. Encore du bois ! Le feu, mon fils, est l’élément supérieur ; je vous l’ai assez dit, et je vais vous en faire paraître un exemple. Par un jour très froid de l’hiver dernier, étant allé visiter Mosaïde en son pavillon, je le trouvai assis, les pieds sur une chaufferette, et j’observai que les parcelles subtiles du feu qui s’échappaient du réchaud étaient assez puissantes pour gonfler et soulever la houppelande de ce sage ; d’où je conclus que, si ce feu avait été plus ardent, Mosaïde se serait élevé sans faute dans les airs comme il est digne, en effet, d’y monter, et que, s’il était possible d’enfermer dans quelque vaisseau une assez grande quantité de ces parcelles de feu, nous pourrions, par ce moyen, naviguer sur les nuées aussi facilement que nous le faisons sur la mer, et visiter les Salamandres dans leurs demeures éthérées. C’est à