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Mon père me regarda avec admiration, puis il coula dans l’oreille de l’abbé que j’apprenais tout ce que je voulais, par une facilité native et naturelle.

— Ainsi donc, répliqua l’abbé, le faut-il former aux bonnes lettres, qui sont l’honneur de l’homme, la consolation de la vie et le remède à tous les maux, même à ceux de l’amour, ainsi que l’affirme le poète Théocrite.

— Tout rôtisseur que je suis, répondit mon père, j’estime le savoir et je veux bien croire qu’il est, comme dit Votre Grâce, un remède à l’amour. Mais je ne crois pas qu’il soit un remède à la faim.

— Il n’y est peut-être pas un onguent souverain, répondit l’abbé ; mais il y porte quelque soulagement à la manière d’un baume très doux, quoique imparfait.

Comme il parlait ainsi, Catherine la dentellière parut au seuil, le bonnet sur l’oreille et son fichu très chiffonné. À sa vue, ma mère fronça le sourcil et laissa tomber trois mailles de son tricot.

— Monsieur Ménétrier, dit Catherine à mon père, venez dire un mot aux sergents du guet. Si vous ne le faites, ils conduiront sans faute frère Ange en prison. Le bon frère est entré