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répondit frère Ange : L’oraison de sainte Marguerite est souveraine pour ce que vous dites, à la condition expresse de faire l’aumône aux capucins.

Sur ces mots, frère Ange vida le gobelet que ma mère lui avait rempli jusqu’au bord, jeta sa besace sur son épaule et s’en alla du côté du Petit Bacchus.

Mon père servit un quartier de volaille à l’abbé, qui, tirant de sa poche un morceau de pain, un flacon de vin et un couteau dont le manche de cuivre représentait le feu roi en empereur romain sur une colonne antique, commença de souper.

Mais, à peine avait-il mis le premier morceau dans sa bouche, qu’il se tourna vers mon père, et lui demanda du sel, surpris qu’on ne lui eût point d’abord présenté la salière.

— Ainsi, dit-il, en usaient les anciens. Ils offraient le sel en signe d’hospitalité. Ils plaçaient aussi des salières dans les temples, sur la nappe des dieux.

Mon père lui présenta du sel gris dans le sabot qui était accroché à la cheminée. L’abbé en prit à sa convenance et dit :

— Les anciens considéraient le sel comme