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divin et coule de la source et fontaine de tout ordre.

— Je vous l’accorde, répondit M. d’Anquetil renversé dans son fauteuil et caressant son mollet, qu’il avait beau.

— Prenez-y donc garde, reprit mon bon maître. Quand vous dites que Dieu n’existe pas, que faites-vous qu’enchaîner des pensées, ordonner des raisons et manifester en vous-même le principe de toute pensée et de toute raison, qui est Dieu ? Et peut-on seulement tenter d’établir qu’il n’est pas, sans faire briller par le plus méchant raisonnement, qui est encore un raisonnement, quelque reste de l’harmonie qu’il a établie dans l’univers ?

— L’abbé, répondit M. d’Anquetil, vous êtes un plaisant sophiste. On sait aujourd’hui que le monde est l’ouvrage du seul hasard, et il ne faut plus parler de providence depuis que les physiciens ont vu dans la lune, au bout de leur lunette, des grenouilles ailées.

— Eh bien, monsieur, répliqua mon bon maître, je ne suis pas fâché qu’il y ait dans la lune des grenouilles ailées ; ces oiseaux marécageux sont les très dignes habitants d’un monde qui n’a pas été sanctifié par le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous ne connaissons,