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Dans ma joie d’être rassuré, je la couvris de baisers. Elle s’arrangea pour me faire voir qu’elle avait des bas noirs, attachés au-dessus du genou par des jarretières à boucles de diamants, et cette vue ramena mes esprits aux idées qui lui plaisaient. Au surplus, elle me sollicita sur ce sujet avec beaucoup d’adresse et d’ardeur, et je m’aperçus qu’elle commençait à s’animer au jeu dans le moment même où j’allais en être fatigué. Pourtant, je fis de mon mieux et fus assez heureux cette fois encore pour épargner à cette belle personne l’affront qu’elle méritait le moins. Il me sembla qu’elle n’était pas mécontente de moi. Elle se leva, l’air tranquille, et me dit :

— Ne savez-vous pas vraiment si M. d’Astarac ne reviendra pas bientôt ? Je vous avouerai que je venais lui demander sur la pension qu’il doit à mon oncle une petite somme d’argent qui, pour l’heure, me fait grandement défaut.

Je tirai de ma bourse, en m’excusant, trois écus qui s’y trouvaient et qu’elle me fit la grâce d’accepter. C’était tout ce qui me restait des libéralités trop rares du cabbaliste qui, faisant profession de mépriser l’argent, oubliait malheureusement de me payer mes gages.