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alla souvent jusqu’à la mauvaise humeur et parfois jusqu’à la colère. Jamais artisan ne traita les objets de son industrie avec plus de dégoût et d’aversion. Il pensa les détruire et, dans le fait, il en noya la plus grande partie. Ce déluge, dont le souvenir a été conservé par les Juifs, par les Grecs et par les Chinois, prépara une dernière déception au malheureux Démiurge qui, reconnaissant bientôt l’inutilité et le ridicule d’une semblable violence, tomba dans un découragement et dans une apathie dont les progrès n’ont point cessé depuis Noé jusqu’à nos jours, où ils sont extrêmes. Mais je vois que je suis allé trop avant. C’est l’inconvénient de ces vastes sujets, de ne pouvoir s’y borner. Notre esprit, quand il s’y jette, ressemble à ces fils des soleils, qui passent en un seul bond d’un univers à l’autre.

» Retournons au Paradis terrestre, où le Démiurge avait placé les deux vases façonnés de sa main, Adam et Ève. Ils n’y vivaient point seuls parmi les animaux et les plantes. Les Esprits de l’air, créés par les Démiurges du feu, flottaient au-dessus d’eux et les regardaient avec une curiosité où se mêlaient la sympathie et la pitié. C’est bien ce que Jéhovah avait prévu. Hàtons-nous de le dire à sa louange, il avait