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— Pourquoi, aussi, Catherine, étiez-vous jolie à faire peur ? Je n’osais vous regarder. Et puis, j’ai bien vu qu’un jour vous étiez fâchée tout de bon contre moi.

— J’avais raison de l’être, monsieur Jacques. Vous m’aviez préféré cette Savoyarde en marmotte, le rebut du port Saint-Nicolas.

— Ah ! croyez bien, Catherine, que ce ne fut point par goût ni par inclination, mais seulement parce qu’elle prit pour vaincre ma timidité des moyens énergiques.

— Ah! mon ami, croyez-moi, qui suis votre aînée : la timidité est un grand péché contre l’amour. Mais n’avez-vous pas vu que cette mendiante porte des bas troués et qu’elle a une dentelle de crasse et de boue haute d’une demi-aune au bas de ses jupons ?

— Je l’ai vu, Catherine.

— N’avez-vous point vu, Jacques, qu’elle était mal faite, et de plus bien défaite ?

— Je l’ai vu, Catherine.

— Comment alors aimâtes-vous cette guenon savoyarde, vous qui avez la peau blanche et des manières distinguées ?

— Je ne le conçois pas moi-même, Catherine. Il fallut qu’à ce moment mon imagination fût pleine de vous. Et, puisque votre seule