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d’arbres morts. Les statues de marbre qui les bordaient souriaient sans rien savoir de leur ruine. Une Nymphe de sa main brisée, qu’elle approchait de ses lèvres, faisait signe à un berger d’être discret. Un jeune Faune, dont la tête gisait sur le sol, cherchait encore à porter sa flûte à sa bouche. Et tous ces êtres divins semblaient nous enseigner à mépriser l’injure du temps et de la fortune. Nous suivions le bord d’un canal où l’eau des pluies nourrissait les rainettes. Autour d’un rond-point, des vasques penchantes s’élevaient où buvaient les colombes. Parvenus à cet endroit, nous prîmes un étroit sentier pratiqué dans les taillis.

— Marchez avec précaution, nous dit M. d’Astarac. Ce sentier a ceci de dangereux, qu’il est bordé de Mandragores qui, la nuit, chantent au pied des arbres. Elles sont cachées dans la terre. Gardez-vous d’y mettre le pied : vous y prendriez le mal d’aimer ou la soif des richesses, et vous seriez perdus, car les passions qu’inspire la mandragore sont mélancoliques.

Je demandai comment il était possible d’éviter ce danger invisible. M. d’Astarac me répondit qu’on y pouvait échapper par intuitive divination, et point autrement.