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par semaine dans son petit rez-de-chaussée de la rue de Rome et n’y recevait qu’elle. Aucune femme ne lui avait inspiré des sentiments si constants et si fidèles. Ce qui augmentait son plaisir, c’est qu’il se croyait aimé. Il pensait qu’elle ne le trompait pas, non qu’il eût aucun motif de le croire ; mais il lui semblait juste et naturel qu’elle se contentât de lui seul. Ce qui le fâchait le plus, c’était qu’elle se fît toujours attendre et tardât aux rendez-vous d’une durée inégale, mais souvent longue.

Or, le samedi 30 janvier, dès quatre heures du soir, galamment vêtu d’un pyjama à fleurs, Maurice attendait madame des Aubels dans la petite chambre rose, auprès d’un feu clair, en fumant du tabac d’Orient. Il rêva d’abord de l’accueillir avec des baisers prodigieux et des étreintes inusitées. Un quart d’heure s’étant écoulé, il médita des reproches affectueux et graves. Puis, après une heure d’attente trompée, il se promit de la recevoir avec un froid mépris.

Elle parut enfin, fraîche et parfumée.

— Ce n’était plus la peine de venir, lui dit-il