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neige, ayant fait un bon feu dans la salle qu’ornaient les bustes des poètes et des philosophes anciens, il s’enfonça dans un fauteuil au coin de la cheminée, une couverture sur les genoux. Un guéridon, placé sous sa main, portait une lampe, un bol de café noir et un revolver emprunté au jeune Maurice. Il essaya de lire le journal La Croix : mais les lignes lui dansaient sous les yeux. Alors, il regarda fixement devant lui, ne vit rien que l’ombre, n’entendit rien que le vent et s’endormit.

Quand il se réveilla, le feu était mort ; la lampe, éteinte, répandait une âcre puanteur ; autour de lui, les ténèbres étaient pleines de clartés laiteuses et de lueurs phosphorescentes. Il crut voir quelque chose s’agiter sur la table. Pénétré jusqu’aux os d’épouvante et de froid, mais soutenu par une résolution plus forte que la peur, il se leva, s’approcha de la table et passa les mains sur le tapis. Il n’y voyait goutte : les lueurs mêmes avaient disparu ; mais il sentit sous ses doigts un in-folio grand ouvert ; il voulut le fermer ; le livre résista, bondit et frappa trois rudes coups sur la tête