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Le lendemain, dans la plaine éthérée, Satan fit distribuer aux troupes les étendards noirs que les soldats ailés couvrirent de baisers et trempèrent de larmes.

Et Satan se fit couronner Dieu. Se pressant sur les murs étincelants de la Jérusalem céleste, apôtres, pontifes, vierges, martyrs, confesseurs, tout le peuple des élus, qui, durant le combat farouche, avait joui d’une tranquillité délicieuse, goûtait au spectacle du couronnement une joie infinie. Les élus virent avec ravissement le Très-Haut précipité dans les enfers et Satan assis sur le trône du Seigneur. En conformité avec la volonté de Dieu qui leur avait interdit la douleur, ils chantèrent sur le mode antique les louanges du nouveau Maître.


Et Satan, plongeant dans l’espace des regards perçants, contempla ce petit globe de terre et d’eau où il avait jadis planté la vigne et formé les premiers chœurs tragiques. Et il fixa ses regards sur cette Rome où le dieu déchu avait, par la fraude et le mensonge, fondé sa puissance. Cependant un saint gouvernait alors