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la pensée du carnage fait par les ministres des saintes colères, des soupirs de jubilation montèrent de la Jérusalem céleste vers le Très-Haut. Mais l’allégresse des Bienheureux, étant portée par avance au plus haut degré, ne pouvait s’accroître, et l’excès de leur félicité les rendait tout à fait insensibles.

Les chants n’avaient pas encore cessé quand les gardes qui veillaient sur les remparts signalèrent les premiers fuyards de l’armée divine, séraphins dépenaillés qui volaient en désordre, kéroubs informes, marchant sur trois pieds. D’un regard impassible, le prince des guerriers, Michel, mesurait l’étendue du désastre et son intelligence lumineuse en pénétrait les causes. Les armées du Dieu vivant avaient pris l’offensive ; mais, par une de ces fatalités qui, à la guerre, déconcertent les plans des plus grands capitaines, les ennemis avaient également pris l’offensive, et l’on en voyait les effets. À peine les portes de la citadelle s’étaient-elles ouvertes pour recevoir les glorieux et informes débris des trois armées, qu’une pluie de feu tomba sur le Mont du Seigneur. L’armée de Satan n’était pas encore en vue et les murailles