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fenêtre, contemplait le spectacle. Un serrurier ayant ouvert la porte de la bibliothèque, tous les gens de maison y pénétrèrent et l’on aperçut le père Sariette qui, retranché derrière des monceaux de livres, lacérait le Lucrèce du Prieur de Vendôme, annoté par la main de Voltaire. Il fallut s’ouvrir un chemin à travers cette barricade. Mais le fou, voyant sa retraite forcée, s’échappa par les combles et monta sur le toit. Deux heures durant il y poussa des hurlements qui retentissaient au loin. Dans la rue Garancière, une foule sans cesse accrue se pressait, regardant le malheureux et poussant une clameur d’effroi quand il trébuchait sur les ardoises qui se brisaient sous ses pieds. Mêlé à la foule, M. l’abbé Patouille, s’attendant à le voir d’un moment à l’autre précipité dans le vide, récitait à son intention les prières des agonisants et se préparait à lui donner l’absolution in extremis. Les gardiens de la paix surveillaient l’immeuble et organisaient un service d’ordre. On appela les pompiers dont bientôt les trompes retentirent. Ils dressèrent une échelle contre le mur de l’hôtel et s’emparèrent, après une lutte terrible, du