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bras de sa mère. Ce fut un beau jour, troublé malheureusement par un événement pénible. M. Sariette, qui avait perdu la raison à la suite du drame de la rue de Courcelles, était devenu subitement furieux. S’étant enfermé dans la bibliothèque, il y demeurait depuis vingt-quatre heures, poussait des cris horribles, et, malgré les menaces et les prières, refusait d’en sortir. Il avait passé la nuit en une agitation extrême, car on avait vu la lampe courir sans cesse derrière les rideaux. Le matin, entendant Hippolyte qui l’appelait dans la cour, il ouvrit une fenêtre de la salle des Sphères et des Philosophes et lança deux ou trois bouquins assez lourds à la tête du vieux valet de chambre. Tout le service, hommes, femmes et jeunes garçons, accourut, et le bibliothécaire se mit à jeter les tomes par brassées sur ces gens. En ces conjonctures, M. René d’Esparvieu ne dédaigna pas d’intervenir. Il apparut en bonnet de nuit et robe de chambre et tenta de faire entendre raison au pauvre fou qui, pour toute réponse, vomit des torrents d’injures sur l’homme qu’il vénérait jusque-là comme son bienfaiteur, et s’efforça de l’écraser sous toutes les Bibles,