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quatre rues environnantes, demandant à chaque porte s’il y avait un singe dans la maison. Il interrogea des portiers et des portières, des blanchisseuses, des servantes, un savetier, une fruitière, un vitrier, des commis-libraires, un prêtre, un relieur, deux gardiens de la paix, des enfants, et il éprouva la diversité des caractères et la variété des humeurs dans un même peuple ; car les réponses qu’il reçut ne se ressemblaient point entre elles ; il y en eut de rudes et de douces, de grossières et de polies, de simples et d’ironiques, de prolixes et de brèves et même de muettes. Mais de l’animal qu’il cherchait il n’avait encore ni vent ni voie, quand, sous la voûte d’une vieille maison de la rue Servandoni, une fillette rousse, tachée de son, qui gardait la loge, répondit :

— Il y a le singe de M. Ordonneau… Si vous voulez le voir ?…

Et, sans ajouter une parole, elle conduisit le vieillard au fond de la cour, dans une remise. Là, sur de la paille échauffée et des lambeaux de couverture, un jeune macaque, enchaîné par le milieu du corps, grelottait. Il n’était pas plus grand qu’un enfant de cinq ans. Sa face