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demanda si quelque singe du voisinage, descendu du toit par la cheminée, n’accomplissait pas là des imitations d’études. Les singes, songeait-il, sont habiles à contrefaire les actions humaines. Connaissant les mœurs de ces animaux surtout par les peintures de Watteau et de Chardin, il les imaginait semblables, dans l’art d’imiter un geste ou d’affecter un caractère, aux Arlequins, aux Scaramouches, aux Zerlines, aux Docteurs de la Comédie italienne ; il se les figurait maniant la palette et les brosses, pilant des drogues dans un mortier ou feuilletant, près d’un athanor, un vieux traité d’alchimie. Or, un malheureux matin, en voyant un gros pâté d’encre sur un feuillet du troisième tome de la Bible polyglotte, reliée en maroquin bleu, aux armes du comte de Mirabeau, il ne douta pas qu’un singe ne fût l’auteur de ce méfait. Le singe avait feint de prendre des notes et renversé l’encrier. Ce devait être le singe d’un savant.

Imbu de cette idée, M. Sariette étudia soigneusement la topographie du quartier afin de circonscrire exactement l’îlot de maisons où s’élève l’hôtel d’Esparvieu. Puis il alla par les