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octavo broché, un livre moderne, renfermant le couteau de buis qui en avait coupé les feuillets. C’était une dissertation sur les deux versions juxtaposées de la Genèse, ouvrage qui, relégué dans le grenier par M. Sariette, n’en était jamais sorti, personne jusqu’alors autour de M. d’Esparvieu n’ayant eu la curiosité de discerner la part du rédacteur monothéiste et celle du rédacteur polythéiste dans la formation du premier des livres sacrés. Ce livre portait la cote . Et cette vérité pénible frappa soudain l’esprit de M. Sariette, que le numérotage le plus savant ne peut faire trouver un livre qui n’est plus à sa place.

Tous les jours qui suivirent, durant un mois, la table se trouva surchargée de livres. Le grec et le latin s’y mêlaient à l’hébreu. M. Sariette se demandait si ces déménagements nocturnes n’étaient point le fait de malfaiteurs qui s’introduisaient par les lucarnes pour voler des pièces rares et précieuses. Mais il ne découvrait nulle trace d’effraction, et, en dépit des plus minutieuses recherches, il ne s’aperçut jamais qu’aucun objet eût disparu. Un trouble affreux envahit son cerveau et il se