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sente. Sariette s’accrocha à l’adversaire étonné, le maintint renversé dans la bergère et, de ses petites mains décharnées, lui serra le cou qui, déjà très rouge, devint cramoisi. Guinardon faisait effort pour se dégager ; mais les petits doigts sentant la chair chaude et molle s’y enfonçaient avec délices. Une force inconnue les attachait à leur proie. Guinardon râlait, la salive coulait d’un coin de sa bouche. Sous l’étreinte son corps énorme s’agitait par intervalles ; mais les secousses devenaient de plus en plus saccadées et rares. Elles cessèrent. Les mains homicides ne se desserraient pas. Sariette dut faire un violent effort pour les détacher. Ses tempes bourdonnaient. Pourtant il entendit la pluie tomber, des pas amortis passer sur le trottoir, au loin des aboyeurs crier les journaux. Il vit des parapluies passer dans l’ombre. Il tira le livre de la poche du mort et s’enfuit.

La jeune Octavie ne rentra pas ce soir-là au magasin. Elle alla coucher dans un petit entresol au-dessus du fonds d’antiquités que M. Blancmesnil venait de lui acheter dans cette même rue de Courcelles. L’homme de peine,