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pas l’hébreu ; mais peut-être, songeait M. Sariette, peut-être, avait-il conduit ou fait conduire dans cette salle quelque prêtre, quelque religieux Hiérosolymitain, de passage à Paris, savant orientaliste adonné à l’exégèse sacrée. M. Sariette se demanda encore si M. l’abbé Patouille, qui avait des curiosités intellectuelles et l’habitude de corner les livres, ne s’était pas jeté sur tous ces textes bibliques et talmudiques, en une soudaine ardeur de découvrir l’âme de Sem. Il douta, un moment, si le vieux valet de chambre, Hippolyte lui-même, après avoir épousseté et balayé la bibliothèque durant un quart de siècle, longuement empoisonné d’une poussière savante et devenu trop curieux, n’avait pas, cette nuit, sous un rayon de lune, abîmé ses yeux et sa raison, perdu son âme sur ces signes indéchiffrables. M. Sariette alla jusqu’à concevoir que le jeune Maurice, au sortir de son cercle ou de quelque réunion nationaliste, avait pu arracher de leurs casiers et jeter pêle-mêle ces livres juifs, par haine de l’antique Jacob et de sa nouvelle postérité, car ce fils de famille se proclamait antisémite et ne fréquentait que des juifs antisémites comme lui. C’était